Retour sur la première année du programme Impulsion, par Sedera Ranaivoarinosy, administratrice de la Fabrique de la Danse.
Être chorégraphe à impact, ça paraît évident et en même temps, pas tant que ça.
» Nous sommes nombreux à nous souvenir de l’influence qu’ont pu avoir certains spectacles de danse sur nous, parfois longtemps après les avoir vu : les images qu’ils ont créé dans notre esprit, l’envie de bouger qu’ils ont pu faire naître, les discussions interminables sur l’état du monde qu’ils ont démarré avec nos amis et proches. La danse écrite nous meut le cœur, le corps, la tête.
Lorsqu’on a la chance de vivre un processus de création, ces effets sont démultipliés : on s’étonne de notre manière de bouger, on s’émerveille face à la créativité de ses camarades, on se surprend à penser différemment parce que le corps a été moteur et non le cerveau, on se demande pourquoi on pensait que l’art c’était pour les autres et pourquoi on se fixait des limites dans la vie au départ.
Être chorégraphe à impact, ça coule de source, mais le verbaliser est novateur et nous invite à chercher encore plus loin ce que cela peut vouloir dire.
Ainsi, Impulsion, le dernier né des programmes de la Fabrique de la Danse, permet aux chorégraphes qui savent que leur impact n’est pas qu’esthétique de grandir dans leur pratique de la chorégraphie à impact : celle qui assume l’idée qu’elle a la capacité de contribuer aux changements du monde, qui donne à celles et ceux qui la découvrent de nouvelles manières de se percevoir dans la société, celle qui se donne pour mission de faire grandir toutes les personnes qu’elle touche.
Le programme
Entre septembre 2021 et juillet 2022, 10 chorégraphes se sont lancés dans l’aventure : Tess Blanchard (Compagnie Tess Blanchard), Timothée Bouloy (Compagnie ArTiMouv), Elizabeth Gahl Le Nôtre (Compagnie Elizabeth Gahl), Jehane Hamm (Compagnie Jehane Hamm – Léa Sallustro), Cécile Lassonde (Collectif Page 55), Elsa Lyczko (Compagnie Les Yeux d’Elsa), Michaela Meschke (Compagnie Moveo), Michel Meech Onomo (Compagnie Michel Onomo), Emmanuelle Simon (Compagnie Danse en Seine) et Orianne Vilmer (Compagnie Danse en Seine).
Ils ont enchaîné des rencontres inspirationnelles et masterclasses auprès d’autres créateurs qui portent cette notion de chorégraphie à impact comme K Goldstein de la compagnie Keatbeck, Bolewa Sabourin de l’association LOBA ou Johan Amselem de la Cie Halte Garderie. Ils ont décortiqué leurs problématiques lors de sessions de co-développement. Ils ont aussi pu mettre leurs apprentissages en pratique lors de cycles d’ateliers montés en collectif auprès de publics éloignés de la danse : écoliers en REP/REP+, primo-arrivants, jeunes aveugles et malvoyants.
Le 30 juin 2022, les 10 chorégraphes se sont réunis pour faire le bilan de cette année riche en découvertes. J’ai eu la chance de faciliter les échanges et trois grandes idées, trois forces du programme sont ressorties.
© Emmanuelle Stäuble – Festival Impulsion / Institut Suédois – Inside the Box de Cécile Lassonde, avec Zoé Lecorgne
Collaboration
Au cours de ces 10 mois, les chorégraphes ont fait naître des projets ensemble et se sont mobilisés tout au long du processus : de la recherche de fonds à la mise en oeuvre d’ateliers jusqu’au partage du travail accompli lors du festival Impulsion qui s’est concrétisé quelques jours plus tard à l’Institut Suédois. Parmi tous les points positifs évoqués lors du bilan, la naissance de ces synergies heureuses a été la plus citée.
Ces collaborations ont permis à chacun de se découvrir, d’expérimenter d’autres méthodes de travail, et j’ai senti qu’à travers elles, les chorégraphes ont pu, au fil de l’année, se reconnaître dans une communauté de praticiens. Un groupe est né : il partage une vision, une approche et l’envie d’une danse aux multiples niveaux de lecture et apports.
© Emmanuelle Stäuble – Cécile Lassonde en atelier avec les enfants de l’école des Amandiers
Développement
Par l’émergence de ce groupe de pratique et par la montée en compétences auprès de nouveaux publics, les chorégraphes se sont senti grandir dans leur posture de chorégraphe à impact. Ils se sentent plus légitimes à porter cette voix. Ils ont une meilleure conscience de leur expertise déjà acquise face à certains publics et se réjouissent des découvertes totales faites face à d’autres, moins connus et encore moins bien servis. Grâce aux masterclasses et aux rencontres, ils se sont nourris de nouveaux outils pour appréhender et faire comprendre le mouvement.
© Emmanuelle Stäuble – Groupe des jeunes de l’Ecole Normale Sociale, en répétition
Opportunité
En cette fin de programme, forts de ces apprentissages, l’avenir paraît ouvert pour ces chorégraphes à impact. Ils témoignent d’une prise de conscience d’un potentiel professionnel, animée par une vibration personnelle forte qu’ils souhaitent poursuivre. Ils sentent que leur groupe d’innovateurs peut encore grandir, tant par une implication plus grande dans la mise en œuvre du programme que par l’intégration de nouveaux participants aux mêmes idéaux.
Par dessus tout, ils ressortent avec la conscience et la confiance que la chorégraphie à impact est un domaine qui vaut le coup d’être approfondi et est porteur auprès des institutions. Ainsi, création, économie et épanouissement personnel ont la possibilité de s’allier durablement.
© Emmanuelle Stäuble – Emmanuelle Simon en atelier à l’école des Amandiers
Et la suite alors ?
Les contours sont à définir en collectif mais l’envie de continuer est certaine, celle d’expérimenter avec de nouveaux publics renforcée, et la conviction que les partenaires économiques pour faire éclore les projets sont atteignables est d’autant plus sûre. Rendez-vous en septembre pour le volet 2 ! «