Voilà déjà trois ans que le projet Touche le Ciel a lieu à l’école des Amandiers et au collège Robert Doisneau dans le 20e arrondissement de Paris. Un projet qui a marqué la scolarité de près de 700 élèves du quartier politique de la ville Belleville-Amandiers, et qui a pu voir le jour grâce à la collaboration bénéfique entre équipes pédagogiques et artistiques. En effet, qu’est-ce qu’un projet d’éducation artistique et culturelle sinon le mariage et l’équilibre parfait entre acteurs de l’éducation et de la culture ?
Photo : Emmanuelle Stäuble
Pour toucher aussi largement les élèves d’un établissement, mais aussi inscrire leur art au coeur de l’éducation des enfants, les chorégraphes ont eu besoin de la complicité vertueuse des enseignants et chefs d’établissement. Nul autre qu’eux ne connaît aussi bien les élèves, la pédagogie, et la manière de « faire prendre » un projet. Au-delà de ce rôle d’ambassadeurs du projet Touche le Ciel auprès des enfants, ils conçoivent des passerelles avec leurs matières éducatives classiques de sorte que la danse infuse autant que possible dans l’éducation, au même niveau que les mathématiques ou le français. Comme le dit François Bonnard, directeur de l’école des Amandiers, « il y a une identification de la pratique de la danse sur l’Ecole des Amandiers […] il y a une imprégnation, les familles savent que les élèves vont faire de la danse, tous les enfants [aussi], garçons y compris »
Ils sont aussi les mieux placés pour observer l’impact du projet sur les enfants et les transformations que celui-ci opère. Voici un petit tour d’horizon de leurs témoignages à l’occasion des 3 ans de ce projet !
Les ateliers se déroulant sur temps scolaire, les enseignants assistent à tous ces temps de pratique de la danse. Selon eux, la danse permet d’améliorer le degré de fierté des enfants ainsi que leur confiance en eux. Cela est d’autant plus important que dans ce quartier, nombre d’entre eux sont perçus comme des « décrocheurs scolaires » et se perçoivent eux-mêmes comme des cancres sans avenir. Pourtant dans le cadre du projet Touche le Ciel, « la volonté de bien faire, de présenter un spectacle achevé est bien là. » comme en témoigne une enseignante de CE1. Pour elle, à l’issue de la présentation publique il est clair que « chacun a donné le meilleur de lui même à voir et l’émotion était là. »
Les enseignants sont parfois les premiers surpris de l’évolution des comportements de leurs élèves : « C’est génial de voir en fin d’année qu’un élève qui chahutait est désormais meneur de la chorégraphie » . Un autre professeur témoigne : « Au début ils étaient peu attentifs et à la fin ils étaient très demandeurs. Ils se sont pris au jeu… »; « Les élèves sont désireux de répondre à la consigne demandée, ils sont très volontaires. ». Un autre souligne que « C’est toujours une belle surprise de découvrir les enfants dans un autre contexte ! »
« Ils se rendent compte que la danse est partout et qu’ils dansaient peut-être déjà sans le savoir »
Bien souvent, ce constat est d’ailleurs partagé par le.la chorégraphe qui notait lors d’un des derniers ateliers de l’année « de mieux en mieux, plus d’écoute, plus de facilité, […] plus de concentration »
Nombreux sont les enseignants qui observent le courage de leurs élèves qui finissent par « oser » se mettre en mouvement, improviser devant leurs camarades, inventer une danse en groupe ; alors que la pratique de la danse semblait si éloignée de leurs pratiques culturelles au départ. Une enseignante reconnaît que « partir du thème du quotidien en ateliers de danse, c’est pas mal car ça dédramatise, ça leur permet d’entrer dans le mouvement ! Il a des élèves pas très à l’aise dans leur corps ou réservés au début de l’année mais la gêne passe très vite grâce à cette thématique ! Ils se rendent compte que la danse est partout et qu’ils dansaient peut-être déjà sans le savoir. »
Le fait d’oser danser, être plus en confiance au fil des séances, va également de pair avec l’amélioration de la créativité comme le note un enseignant : « Au début, ils suivaient un leader dans le groupe, comme ils savaient pas quoi faire ils ont tendance à suivre quelqu’un. Puis en voyant d’autres exemples, ils ont fini par faire eux-mêmes et chercher des choses tout seuls » Un constat partagé par un groupe d’élèves de CM1 : « A la fin de l’année j’ai vu qu’il y avait des améliorations. Je me laissais porter par l’imagination, j’étais dans le pays de l’imaginaire. »
« Participer à un projet artistique fédère le groupe, leur permet de s’encourager les uns les autres, et découvrir l’entraide et la tolérance »
Pour d’autres professeurs, c’est le fait de faire partie d’un projet ambitieux et de créer en groupe qui améliore l’expérience scolaire de l’enfant. C’est ce que souligne le directeur de l’école des Amandiers qui avait remarqué des problèmes de respect et d’intolérance dans son école avant le projet danse : « Quand on a osé danser, faire bouger son corps, quelque soit son âge et son physique (…) ça génère une forme d’intimité collective, on a partagé quelque chose ensemble. »
Un professeur reconnaît aussi que « ils participent à une création avec des chorégraphes que nombre de jeunes danseurs rêveraient d’approcher, sont encadrés par des professionnels reconnus et visitent les institutions culturelles les plus prestigieuses, gratuitement et sur le temps scolaire ». Pour lui, « le fait de participer à un projet artistique tous ensemble, filles comme garçons, fédère le groupe, leur permet de s’encourager les uns les autres, et découvrir l’entraide et la tolérance »
Ainsi, au fil du temps, les équipes éducatives remarquent que dans le cadre du projet danse on a « des échanges plus doux, moins d’adversité, plus d’empathie et de contact physique » (professeur de 5e). « Ils ont pris conscience de l’importance […] d’observer, de faire ensemble, en collectif. Que c’est avec tout le groupe qu’on réussit à faire quelque chose de bien » (enseignante de CP)
Cerise sur le gâteau, Touche le Ciel a parfois permis de révéler de vraies vocations chez des élèves qui avant ce projet n’auraient jamais pensé qu’il serait possible de poursuivre dans une voie artistique… Et pourtant comme le note le directeur de l’école des Amandiers : « Il y a des enfants qui par eux-mêmes se sont tournés vers la danse experte, comme le conservatoire ; on a même un enfant qui est à l’école des petits rats. »
Tous ces témoignages montrent le projet depuis l’intérieur… Un projet qui ne serait justement pas possible sans tous les enseignant.e.s qui ont accepté de faire entrer la danse dans leur pédagogie et de travailler en binôme avec des chorégraphes pour améliorer le parcours scolaire des enfants des Amandiers !