Du 11 au 13 février dernier, les quatorze femmes chorégraphes du programme Les Femmes sont là se sont rassemblées pour une septième session de formation collective à l’OARA, désormais installée à la MÉCA à Bordeaux. Elles y ont été chaleureusement accueillies par les partenaires néo-aquitains qui ont soutenu l’initiative et se sont mobilisés à nos côtés sur les trois jours ! Cette nouvelle session en région nous a montré que l’égalité entre les femmes et les hommes dans le spectacle vivant était bel et bien un sujet national et que les améliorations en la matière viendraient sans doute de coopérations territoriales. 3, 2, 1 ! Retour sur le programme de ce temps fort pour Les Femmes sont là !
La session a démarré par notre traditionnel petit-déjeuner collectif lors duquel chacune a pu s’exprimer sur son chemin parcouru depuis notre dernière entrevue en termes de développement personnel, de leurs projets de compagnie, de leurs création et/ou de leur diffusion. Voici quelques exemple des avancées significatives de certaines d’entres elles depuis le début du programme : Émilie Lalande a fait sa première création en tant qu’artiste associée du Pavillon Noir – CCN, intitulée “Quatuor à corps pour Mozart”. Elodie Escarmelle, Wendy Cornu, Caroline Grosjean, Lolita Espin-Anadon ont chacune recruté une personne dans leur équipe depuis le précédent atelier sur le recrutement. Celles-ci les épaulent respectivement à des postes d’administration, diffusion et production et donnent ainsi de l’ampleur à leurs projets. Rien de tel en effet, pour mener à bien des projets chorégraphiques ambitieux, que d’être bien entourée par des compétences clés.
Des avancées sont à noter en termes de posture et de positionnement également. Caroline Grosjean affirme : “Je me sens depuis peu hyper juste, bien dans mes baskets, hyper fière de moi, et ça me fait plaisir.” Wendy Cornu quant à elle, a progressé en termes d’audace depuis qu’elle a recruté une chargée de production/diffusion qui la “booste et l’encourage à faire des candidatures qu’elle n’aurait jamais osé faire auparavant”. Elle a ainsi décroché l’opportunité de présenter un extrait de sa pièce au concours Danse Élargie au Théâtre de la Ville, et candidate actuellement pour devenir artiste associée d’un lieu, tout comme deux autres femmes du programme d’ailleurs ! En parlant d’audace, Lolita Espin-Anadon candidate pour obtenir le “Prix de l’audace artistique” avec sa création jeune public qui en est à sa 113e représentation et sera diffusée au Festival d’Avignon en matinée cet été. Elodie Escarmelle a amélioré sa confiance en elle et découvre un sentiment de légitimité. Elle affirme au groupe: “J’ai ma place dans cet écosystème, j’ai envie de revendiquer mon métier de chorégraphe”. Roxane Butterfly, chorégraphe mère d’une enfant trisomique, développe quant à elle une stratégie astucieuse pour continuer de créer malgré ce contexte personnel contraignant. Son parcours a d’ailleurs inspiré la cinéaste new yorkaise Veronique Doumbé pour un documentaire intitulé Raising Zuly. Poursuivant ce chemin, elle affirme avoir “décidé de transformer cette matière de vie qui est la sienne” plutôt que de pâtir de cette situation et d’arrêter sa carrière. Elle vise ainsi à enseigner son art à des publics handicapés et à devenir chorégraphe référente en la matière au Conservatoire Municipal du 20e arrondissement, où elle enseigne déjà depuis le début du programme Les Femmes sont là.
Accueillies à merveille par notre partenaire l’OARA et plus particulièrement Joël Brouch son directeur, les femmes ont également bénéficié d’une rencontre professionnelle exceptionnelle avec les acteurs de la région Nouvelle-Aquitaine pour discuter de la (juste) place des femmes dans la création chorégraphique. Etaient ainsi présents : Agnès Pelletier (Festival Panique au dancing à Niort), Stéphane Jouan (scène conventionnée L’Avant-Scène/Cognac), Christophe Potet (scène nationale le TAP/Poitiers), Lise Saladain (CDCN La Manufacture/Bordeaux), Georges Tran Du Phuoc (CCN Malandain Ballet/Biarritz), Mariella Grillo (scène conventionnée La Mégisserie/Saint-Junien).
Guillaume Delpiroux (directeur culture et patrimoine de la région Nouvelle-Aquitaine) et Axel Morel (en charge de la politique culturelle régionale de la Nouvelle-Aquitaine en faveur du spectacle vivant, référent pour l’égalité femme-homme dans la culture) avaient également fait le déplacement pour venir rencontrer l’équipe de La Fabrique de la Danse et découvrir l’initiative “Les Femmes sont là”. Axel Morel a ainsi pu rappeler les mesures prises par la région Nouvelle-Aquitaine pour améliorer l’égalité f/h dans le spectacle vivant.
Les femmes chorégraphes ont ainsi continué de considérablement étendre leur réseau en dehors de leurs régions, mais également de changer de regard sur les partenaires. En témoignent leurs retours à l’issue de la rencontre : « Le temps de rencontre avec les pros de la région Nouvelle-Aquitaine était très enrichissant, j’ai découvert qu’on pouvait avoir des discussions très naturelles, et « à égalité » avec eux, malgré les positions de chacun.e.s dans le secteur. » « En écoutant les pros parler, j’ai ressenti les limites de ma pensée, à quel point je restais parfois bloquée dans mes visions et cela m’empêchait d’oser. J’ai découvert que rien ne m’étais impossible ! ». Le programme Les Femmes sont là vise ainsi à déconstruire les stéréotypes trop rapides qui peuvent brider l’audace de créer et d’entreprendre des femmes chorégraphes.
Côté ateliers, le programme était également riche : les femmes ont pu suivre un deuxième atelier d’un cycle sur les Ressources Humaines animé par Muriel Meilhon, DRH chez Total Marketing France, cette fois consacré à la rédaction d’une fiche de poste. Elles ont réalisé qu’elles recrutaient souvent “à l’affect”, dans leur entourage proche, et n’osaient pas s’affirmer comme leader de leurs équipes, capables d’établir ce qui est requis pour le(s) poste(s) qu’elles créent (en termes de compétences, savoir-faire, savoir-êtres…). Cet atelier était donc fort utile et donnait des bases pratiques pour se lancer dans l’écriture d’une fiche de poste. Enfin, la session s’est achevée par une quatrième session de “co-développement” animée par la coach en Leadership Sylvie Matz. Cette méthode innovante soude le groupe autour d’une même problématique mettant à profit l’intelligence collective et permettant de se recentrer sur ses fondamentaux en tant que chorégraphe. A cet égard, nombreuses sont celles qui citent la ressource incroyable que constituent leurs mentors chorégraphes. Michel Schweitzer et Alban Richard ont par exemple été jusqu’à accompagner leurs mentorées en studios, au coeurs de leurs intentions artistiques, pour les aider à les affirmer là-aussi !
Cette étape en terre bordelaise était ainsi très riche pour le programme Les Femmes sont là ! A venir pour les prochains mois du programme : deux dernières sessions collectives, des rendez-vous de bilans, des temps de réflexion sur comment poursuivre avec ce groupe, même après l’issue du programme… Plus le temps passe et plus on réalise qu’il va être difficile de clôturer ces dix-huit mois d’ateliers, d’échanges en groupe, de co-développement, de traversée de la France à la rencontre de partenaires du spectacle vivant !
En route pour les derniers mois de cette première édition des Femmes sont là !