Christine Bastin, directrice artistique de La Fabrique de la Danse, a récemment créé une chorégraphie pour le projet Clinamen, un court-métrage d’Hugo Arcier, pour la 3ème Scène de l’Opéra de Paris. Elle revient avec nous sur le processus de création et les moments les plus marquants de ce projet exceptionnel.
Qu’est-ce que ça t’a fait d’élaborer une création chorégraphique pour un projet numérique ?
Ce que ça m’a fait ? Un immense plaisir parce qu’il m’était donné l’occasion de créer quelque chose de très chorégraphique, avec une évolution d’états et d‘énergies, comme je les aime, sur ce thème magnifique voulu par Hugo Arcier de la déviation des atomes par rapport à leur chute dans le vide, déviation qui permet aux atomes de s’entrechoquer… Je dirais : de danser ! C’est exactement la définition de la danse : le mouvement perpétuel jouant avec le vide. Elle se fait, elle se défait et ne meurt jamais.
Ensuite, beaucoup de curiosité. J’allais vivre cette expérience, inédite pour moi, de voir à l’écran les corps des danseurs disparaître, pour n’être plus qu’un ensemble de sphères, de points, transportés dans les espaces imaginaires d’Hugo Arcier. Je me suis dit : qu’est-ce qui reste d’une danse quand tout le corps charnel n’est plus là pour la porter. Un rythme ? Un jeu abstrait ? Qu’en sera-t-il de l’émotion ?
J’ai créé le trio dans l’ignorance totale de l’univers dans lequel il serait plongé. Mais c’était ça le jeu. Quand le trio a été terminé et quand j’ai vu la joie sincère d’Hugo Arcier je me suis dit : il a aimé, ça semble rejoindre ses rêves, alors maintenant, vas-y prends tout, à toi de plonger dans ta création. Et d’accord pour risquer la disparition, si il y a réapparition d’un nouveau monde dansant mêlant ma chorégraphie, nos rythmes, ses images et la musique, ce socle commun qui nous a ravi tous les deux.
À quels challenges as-tu fait face lors de ce projet ?
Je me suis mise à chorégraphier en insistant beaucoup sur les points qui deviendraient des sphères dans la 3D : coudes, poignets, épaules, têtes, bassins, genoux, pieds etc. sans savoir le nombre de sphères qui seraient gardées au final, après la captation. Je pensais sphères plus que corps entier, tout en me disant que 3D ou pas, on est exigeant sur la précision du mouvement. Alors finalement, autant travailler comme d’habitude. Et même plus encore que d’habitude car la 3D débusque tous les « défauts » qu’un corps de chair peut faire oublier par son rayonnement. Avec cette histoire de points, on peut dire qu’on a donné nos corps à la science ! Si vous saviez quels danseurs magnifiques vous ne verrez pas…
Un moment marquant dans ce projet ?
Juste après avoir vu le film… Merci Hugo !