Rencontre avec Maxime Joret, de la promotion 2019 de l’incubateur.
Crédit : K. Limmany
Quel est ton univers chorégraphique ?
C’est avec ma création en cours, et donc depuis un peu plus d’un an, que je découvre plus clairement quelques traits de mon univers chorégraphique, qui s’avère cumuler les échos de mes différents parcours (théâtre, arts plastiques, psychanalyse, pole dance, danse contemporaine). J’ai ressenti le besoin de m’écarter de la pole dance en raison de son caractère trop gymnique afin d’explorer autrement le mouvement, notamment par la danse contemporaine. Je suis surpris de voir finalement la pole dance ressurgir aussi clairement dans mon travail par certains traits qui lui sont spécifiques. Il y a quelque chose de sensuel, de corps donné à voir, et à la fois quelque chose qui côtoie le corps martyr de l’acrobate, tant cette discipline oscille entre une fascination acrobatique, l’évocation d’un univers érotique et l’ingratitude de cette barre froide qui brûle et marque le corps. L’engagement physique de la chair et de la peau en pole dance rejoint mes affections pour des œuvres plastiques et performatives qui impliquent directement le corps de l’artiste (je pense à Trademarks de Vito Acconci par exemple). J’aime malaxer, caresser, triturer et approcher le corps par sa palette sensorielle – tantôt texture, enveloppe, matière malléable etc. Ce rapport au corps, je cherche à l’animer d’une jubilation qui résonne pour moi autour de cette question de l’au-delà, de la douleur, du plaisir qui l’emporte sur la douleur (très vive sur les agrès aériens). J’aime travailler sur cette relation du plaisir et de la mise à mal qui se côtoient lors de la performance aérienne. Je pourrais dire que je brode autour d’une barre, un univers charnel mû par une jubilation qui ne ferait pas l’économie d’une implication physique douloureuse.
Peux-tu nous dire quelques mots sur ta création en cours ?
Le Silence des Organes est une création pour 5 interprètes (dont moi-même), au plateau, que j’ai élaboré à partir du corps qui se fait entendre – littéralement, les articulations et cartilages qui craquent, le souffle de l’effort – et par des manifestations douloureuses. Je m’appuie sur une formule du chirurgien R. Leriche et reprise par le philosophe et médecin G. Canguilhem dans son ouvrage Le normal et le pathologique, « La santé c’est la vie dans le silence des organes ». Je souhaite donner à voir et à entendre un corps qui se manifeste au danseur, en étant « bruyant » – ne prenons-nous pas conscience d’une partie du corps lorsqu’elle nous est douloureuse et nous le fait savoir ? Cette pièce n’est pas une illustration de la douleur mais une convocation de deux dimensions du corps dansant : le corps-à-voir, objet de représentation, et le corps-qui-se-dit, medium parlant, matière qui s’exprime.
Quels ateliers as-tu prévu avec les danseurs de Danse en Seine ?
Je prévois un cycle construit autour des questions de sensorialité, de jubilation, d’implication charnelle et dermique. J’aimerais mettre en place une sorte « d’orgesse », orgie de tendresse. Nous traverserons la transformation du mouvement par la réception de la lumière, le goût, le toucher, l’odorat. J’amènerai les danseurs à étayer leurs qualités de mouvement au travers de ces espaces de délectation qu’ils ont tous, et de construire une relation de groupe soutenue par une exploration multi-sensorielle.
Pourquoi avoir rejoint l’incubateur de chorégraphes ?
J’ai rejoint l’incubateur parce que le chorégraphe, d’autant plus en début de carrière, doit élargir ses connaissances et compétences sur des champs très différents qui me rebutaient forcément un peu. Je suis venu chercher une capacité à approcher avec méthode, ces questions plus administratives, juridiques, comptables etc. Je souhaitais également rencontrer d’autres chorégraphes pour profiter d’une entraide et d’une possibilité de partager nos difficultés respectives car nous traversons tous.tes des problématiques similaires !