Rencontre avec Elsa Lyczko, promo 2018 de l’incubateur de chorégraphes.
Quel est ton univers chorégraphique ?
Ah c’est une belle question ! Un peu comme « C’est quoi la danse contemporaine ? » et à laquelle on cherche encore une réponse intelligente et compréhensible. Je vais tout de même m’y essayer !
Je travaille principalement à la lisière entre l’art chorégraphique et l’art théâtral. On pourrait dire danse-théâtre mais alors là tout de suite on pense à Pina Bausch et ca devient hyper prétentieux, ou théâtre dansé mais cette fois ci on ne sait pas trop ce que ca veut dire ! Je crois que je préfère l’idée de « danse narrative ». La narration, l’histoire à raconter sont toujours la base de mon travail. Je suis d’abord une grande observatrice, une observatrice du quotidien, de l’humanité, des comportements. Mon terrain de jeu est celui des situations banales, reconnaissables dont je garde l’essence et que je m’amuse à pousser à l’extrême. Par exemple, que se passerait-il dans un lieu d’attente, si chacun mettait à exécution les pensées saugrenues qui nous traversent dans ces moments où l’oisiveté prend la place de la productivité ? Pensez-y dans la salle d’attente de votre podologue, vous verrez ! La situation donc est la pierre fondatrice de mon univers, puis vient la pensée qui lui est inhérente, les mots, les personnages. Puis enfin le corps et le mouvement qui sont au bout de ce processus créatif.
Mon travail est également rieur et malicieux. D’abord parce que j’aime les corps riants et parce qu’à travers l’humour il y a ma tendresse et ma mélancolie pour les Hommes, pour ce qu’ils sont/font, pour des univers que j’ai aimés, quittés ou parfois que j’aurais rêvé de pénétrer. Et puis aussi parce qu’il est rare de rire à un « spectacle de danse contemporaine » et que c’est un défi que je me lance !
Peux-tu nous dire quelques mots sur ta création en cours ?
Je travaille depuis 1 an environ sur une pièce de « danse narrative » donc (ca claque !) intitulée ORLY-Fragments Aéroportuaires. Et comme son nom l’indique c’est une pièce qui parle des problèmes de reproduction du plancton dans les eaux tempérées de l’Océan Indien !
Non évidemment, c’est une pièce qui raconte les Aéroports ou plutôt les Hommes à l’aéroport. J’embarque 11 passagers dans ce voyage en 7 tableaux, de « La Valise » jusqu’à « L’Envol ». J’ai choisi l’Aéroport comme personnage principal parce que c’est un lieu fascinant et plein de paradoxes. C’est un symbole évident de la mondialisation, du progrès technologique, de la consommation, plus vite, plus loin, plus haut, de l’anonymat et pourtant c’est également un immense catalyseur d’émotions. On trouve dans les aéroports toute la palette des émotions humaines concentrées et décuplées en intensité. Un cocktail détonant auquel j’ai voulu apporter mon regard.
Et puis pour la petite histoire, et pour le parallèle avec « ma tendresse, ma mélancolie », l’aéronautique est un milieu qui me passionne, que j’ai étudié puis dans lequel j’ai ensuite exercé mon métier d’ingénieur avant que ma vie artistique ne l’emporte. C’est donc un clin d’œil personnel, et l’envie de réunir la création artistique et l’aéronautique, deux univers qui me traversent.
[NDLR : Une campagne de crowdfunding est en cours pour ce projet !]
Pourquoi avoir rejoint l’incubateur de chorégraphes ?
Beaucoup de raisons à cela. Au-delà de la joie de faire partie de ce vivier de créativité, de rencontrer d’autres jeunes chorégraphes, de se sentir soutenu par une structure innovante, il y a la nécessité d’acquérir certaines compétences. Le spectacle, la création, c’est la partie émergée de l’iceberg quand on monte sa compagnie. Et c’est à cette partie émergée justement que l’on veut donner toute sa valeur. Mais pour cela il faut savoir gérer administrativement sa structure, bien communiquer, avoir une bonne stratégie de financement et de diffusion… et tout ca ca s’apprend ! Avant la Fabrique on apprenait sûrement sur le tas, et ca prenait du temps. L’incubateur est un accélérateur pour moi, et un atout indéniable quand on considère qu’être chorégraphe c’est aussi être un entrepreneur culturel. Et je crois qu’aujourd’hui, on ne peut plus penser autrement…