Le 25 avril dernier, Jiří Kylián, chorégraphe tchèque, est nommé membre associé étranger de l’Académie des Beaux-Arts. Il y occupera le douzième fauteuil, auparavant celui du peintre italien, Leonardo Cremonini. A cette occasion, la danse semble enfin trouver la place qui lui est dûe au sein de cette institution prestigieuse.
Créée en 1803, faisant partie de l’Institut de France, au même titre que l’Académie des sciences ou l’Académie française, l’Académie des Beaux-Arts se donne pour but de défendre le patrimoine culturel français et de soutenir la création. A ce titre, elle organise des concours, finance des résidences d’artistes et octroi des subventions à des projets et manifestations artistiques, en France comme à l’étranger. Elle possède de plus un patrimoine, constitué de dons et des lègues, ainsi qu’un patrimoine muséal (le musée Marmottan-Monet par exemple), ce qui lui permet d’organiser des expositions et manifestations artistiques. L’Académie des Beaux-Arts est également une instance consultative auprès des pouvoirs publics. Lors de séances hebdomadaires, tous les mercredis, ses membres réfléchissent sur des sujets divers ayant trait au monde de la culture.
Héritière des académies royales de peinture et de sculpture, d’architecture et de musique, l’Académie des Beaux-Arts s’est aujourd’hui élargie à d’autres secteurs, s’adaptant aux nouvelles formes de création contemporaine. Ainsi, actuellement, ses 59 membres sont répartis en 8 sections artistiques: peinture, sculpture, architecture, gravure, composition musicale, mais aussi membres libres, cinéma et audiovisuel et photographie. A cela il faut ajouter les 16 fauteuils dédiés à des associés étrangers, où figurent des artistes et personnalités étrangères qui contribuent par leur action à promouvoir la création artistique dans le monde (parmi lesquelles Jiří Kylián). Toutefois, jusqu’à présent, la danse n’est représentée dans aucune de ces sections artistiques.
Un chorégraphe attaché à la liberté
L’élection de Jiří Kylián toutefois semble ouvrir la porte au changement. Ce chorégraphe tchèque, formé au Conservatoire de Prague puis en 1967 à la Royal Ballet School de Londres, est une figure marquante du milieu de la danse. D’abord danseur au sein du ballet de Stuttgart, il devient en 1975 co-directeur artistique du Nederlands Dans Theater à La Haye, avant d’être, en 1978, après le succès de son ballet Sinfonetta, nommé directeur artistique du NTD.
Jiří Kylián est très attaché à la liberté : la sienne, d’exprimer ses “fantaisies”, comme il l’explique dans une interview à Télérama, mais aussi celle des danseurs, qui doivent s’approprier et réinvestir chaque mouvement. Ses chorégraphies sont à la fois marquées par ses études plus “académiques”, et par son séjour après des Aborigènes d’Australie. Auprès d’eux, il s’est émerveillé de voir que la danse faisait partie intégrante de la vie et de la société, que ces hommes ne pouvaient vivre sans danser.
L’élection de Jiří Kylián au sein de l’Académie des Beaux-Arts a un précédent : Maurice Béjart a siégé au sein des membres libres, une catégorie un peu hétéroclite (à l’heure actuelle on y trouve un couturier, des mécènes, un directeur de théâtre ou encore un conservateur du patrimoine) de 1994 à 2007.
Une nouvelle section dédiée à l’art chorégraphique
Toutefois, ici, le changement est plus important: il ne s’agit pas seulement d’élire un chorégraphe au sein de l’Académie, mais de créer une nouvelle section, dédiée à l’art chorégraphique et qui pourrait accueillir 4 membres (la réforme des statuts a été adoptée le 25 avril et devrait être soumise prochainement au Conseil d’Etat). La danse semble donc bien enfin prendre sa place au milieu des Beaux-Arts.
Au vue des missions de l’Académie des Beaux-Arts, et pour une institution prônant l’idée de pluridisciplinarité, il était temps ! Et ce d’autant plus maintenant que les arts se décloisonnent de plus en plus, chorégraphes et danseurs étant notamment de plus en plus fréquemment invités pour réaliser des performances au sein de grands musées d’art contemporain, récemment François Chaignaud à la fondation Vuitton par exemple.
Cette décision est donc tout à la fois une question de cohérence et une reconnaissance symbolique, qui pourrait toutefois avoir des conséquences plus larges, notamment au vu du rôle consultatif que joue l’Académie des Beaux-Arts auprès des pouvoirs publics.