Rencontre avec Zdenka, de la promotion 2018 de l’incubateur de chorégraphes.
Quel est ton univers chorégraphique ?
J’aime voir des nuances dans le corps et dans le mouvement ainsi que des êtres humains. Pas uniquement des virtuoses techniciens. Dans une des dernières créations, nous nous sommes rendues compte avec ma collègue et co-chorégraphe que la performance technique est une chose, un « basic skill », une compétence de départ alors que nous cherchions plutôt des “soft skills” ce qui était beaucoup moins évident à trouver chez des interprètes. J’aime avoir la sensation de pouvoir me connecter à la personne, apercevoir son monde intérieur, son intimité, ses ombres comme ses facettes lumineuses.
Si je regarde ma façon de procéder, je travaille souvent avec des partitions, des principes qui organisent le déroulement de l’action. Souvent je m’attarde sur les détails, les nuances, des endroits précis où le mouvement naît et sur la façon dont ce mouvement voyage dans le corps.
En même temps, je cherche à conserver de la place pour la spontanéité, pour l’imprévu, à l’intérieur d’ un cadre précis. Dans l’écriture, je m’efforce de mettre en place des conditions et des circonstances qui donneront à l’interprète une plus grande liberté .
L’être humain est au centre de mes intérêts, sans label d’appartenances raciales, sociales, religieuses, politiques ou nationales. Dans ma façon de vivre et de voir le monde, chacun est fait d’épaisseurs, de strates qui s’accumulent et se déposent au fur et à mesure de la vie, chacune de ces strates nous rendant spécifiques et uniques, nous distinguant, séparant ou rapprochant les uns des autres.
Ces dernières années, j’ai beaucoup travaillé sur la proximité avec le spectateur, dans des pièces où le spectateur est soit sur le plateau ou bien directement inclus dans l’action (il y a dans la proximité, quelque chose qui me fascine et me dérange à la fois ). Je cherche à établir et à créer un espace accueillant et rassurant où chacun puisse se comporter librement sans se sentir gêné. Je me demande aujourd’hui si cette proximité, cette porte ouverte au privé, à l’espace personnel et intime de chacun est encore possible dans le monde dans lequel nous vivons (ma conviction étant qu’elle est une profonde nécessité, un besoin pour chaque individu).
Un des derniers aspects de mon « univers chorégraphique » c’est l’importance que j’accorde au lieu de la représentation, j’aime prendre en compte le lieu en lui même, les circonstances, les gens autour tout en restant fidèle à l’idée de départ et à l’esprit de la pièce.
De façon générale, je cherche à véritablement collaborer avec d’autres gens, je crois en la collaboration même si c’est une forme de travail plus difficile et plus exigeante en terme de temps.
Peux-tu nous dire quelques mots sur ta création en cours ?
Elle évolue. Je suis partie d’une idée avec laquelle j’ai travaille dans le passé – l’idée de la vibration et de l’oscillation. Le corps comme une matière qui vibre en tant qu’un objet en soit mais aussi en tant que l’objet ou l’entité énergétique en relation et en réponse à son environnement. La recherche chorégraphique s’inspire des phénomènes sismiques, des mouvements lents et profonds de l’épiderme terrestre et métaphoriquement des mouvements tectoniques des profondeurs de la psyché humaine. Le projet envisage d’explorer le corps comme une unité matérielle et énergétique de soma et de psyché en relation et en réponse à son environnement interne et externe. En testant la capacité du corps d’écouter et d’entendre. La terre, soi même, l’autre.
Pourquoi avoir rejoint l’incubateur de chorégraphes ?
Etant lauréate de l’Institut Français j’ai eu la possibilité d’une résidence a la Cite Internationale des Arts. Je cherchais donc aussi une organisation qui me permettrait un travail régulier ainsi que de faciliter (dans le sens de “facilitation”/accompagnement) le développement de mes projets. Un pied-a-terre a Paris en plus de celui offert par la residence a la CIA.
J’avais aussi très envie et besoin de passer du temps hors la communauté de la danse tchèque (les dernières années j’etais basée a Prague meme si étant Slovaque et souvent en route non seulement dans l’Europe) dans la quelle j’ai travaille les dernières années et ou j’ai construits de belles collaborations et des dialogues artistiques.
Ce qui m’avait particulièrement interpellée dans la proposition de l’Incubateur c’était la partie de formation orientée vers les competences administratives liées à la production, la communication, la vente et la mise en place d’un projet de compagnie. J’apprenais et j’apprends toujours cela en marche sur “le champ de bataille” et donc j’étais fortement intéressée d’avoir un temps de soutien et de suivi pour solidifier et discipliner mes démarches. Le fait que ça soit dans un autre pays que celui dont je connais l’industrie culturelle et le fonctionnement était aussi important pour la prise de cette decision.
En savoir plus :
– La promotion 2018 de l’incubateur de chorégraphes